Selon les sondages, une écrasante majorité des Français (plus de 80%)[1] se déclare en faveur du droit à l’euthanasie et au suicide assisté, et ce depuis plus de deux décennies.[2] M. Frédéric DABI, directeur général adjoint IFOP affirme qu’il n’a « jamais vu un enjeu avec un fossé aussi grand entre ce que souhaitent les Français et ce que propose actuellement la législation française », qu’une « très forte majorité appelle de ses vœux » une légalisation du suicide assisté et de l’euthanasie, que « cette attente est d’autant plus forte qu’elle est massive », que « les sondages sont convergents quelle que soit la méthodologie, quantitative, qualitative, quelle que soit la manière dont les questions sont posées » et que « quelle que soit la sympathie partisane, les français souhaitent clairement que ça bouge ».[3]
En avril 2023 la Convention citoyenne sur la fin de vie a donné raison aux sondages : 76% des 184 participants ont voté en faveur du suicide assisté et de l’euthanasie après avoir écouté des spécialistes d’horizons divers expliquer leurs arguments pour ou contre, et presque tous les médecins et soignants entendus avaient pris position contre.[4]
La loi en vigueur de Claeys-Leonetti votée en 2016, permet un recours à la sédation profonde et continue jusqu’au décès (SPCJD), qui consiste à retirer tous les soins qui gardent en vie, y compris l’alimentation et l’hydratation, et à mettre le patient sous sédation afin qu’il ne souffre pas en mourant. La SPCJD ne peut être accordée qu’en cas de pronostic vital à court terme, c’est-à-dire quand les médecins estiment que le patient n’a plus que quelques heures ou quelques jours à vivre. Le principe derrière la SPCJD est que le corps médical laisse mourir le patient, contrairement à l’aide active à mourir où un produit létal provoque la mort immédiatement. Quand le produit létal est administré par le patient lui-même (soit en le buvant, soit en déclenchant une perfusion) on parle de suicide assisté et quand un médecin l’administre on parle d’euthanasie.
Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) reconnaît dans son Avis 139 que la SPCJD n’apporte pas de solution à toutes les situations où des personnes souffrent de maladies graves et incurables provoquant des souffrances réfractaires, et considère que ces situations soulèvent de graves questions éthiques et que les souffrances ne peuvent pas être laissées sans réponse.[5]
La Convention citoyenne a également jugé la SPCJD insuffisante, et selon les sondages la SPCJD n’a pas entraîné une baisse de la proportion des français souhaitant pouvoir choisir l’euthanasie et le suicide assisté. Les citoyens sont sûrement au courant de situations de fin de vie tragiques qui ne rentraient pas dans les conditions de la SPCJD : soit ils en connaissent personnellement, ou en ont entendu parler dans leur entourage, soit ils sont au courant de personnes qui ont dû recourir au suicide assisté en Suisse ou à l’euthanasie en Belgique.
En mars 2024, le gouvernement a rendu public un projet de loi comportant une autorisation de l’aide à mourir dans des conditions très restrictives. Les clauses étaient en train d’être examiné par les députés quand la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin a interrompu leurs travaux . Le député Olivier Falorni milite pour que le sujet soit examiné par la nouvelle l’Assemblée nationale.
Il existe une opposition forte et très vocale à toute aide active à mourir. Cette opposition est composée principalement des autorités religieuses, qui représentent officiellement le catholicisme, le Judaïsme et l’Islam ; d’une partie du corps médical ; et d’une minorité de citoyens croyants.
Dans ce site, je me suis penché sur trente objections faites par les opposants à l’euthanasie et au suicide assisté afin de voir les arguments sont suffisamment convaincants pour ne pas l’accorder ; et j’ai tenté d’y répondre.
Keith Lund
keith.lund.kl@francemel.fr
[1] Sondages : IFOP juin 2023 « Le regard des Français sur la fin de vie et sur la convention citoyenne » ; Ifop février 2022 « Le regard des français sur la fin de vie » ; Ipsos Public Affairs mars 2019 « La situation des libertés publiques en France ; Ifop mars 2017 “Le regard des Français sur la fin de vie à l’approche de l’élection présidentielle”.
[2] Selon une enquête Ipsos réalisée pour La Marche du Siècle et Le Figaro en septembre 1998, 79% des personnes interrogées ont déclaré qu’elles demanderaient qu’on les aide à mourir si elles étaient atteintes d’une « maladie incurable » et en proie à des « souffrances extrêmes » et peine une personne sur dix refuse d’envisager l’euthanasie pour elle-même.
[3] Sources citation M. DABI, Ifop : C’est dans l’air du 18/12/2023 et https://www.admd.net/articles/medias/fin-de-vie-questions-m-frederic-dabi-directeur-general-adjoint-ifop.html
[4] Rapport de la Convention Citoyenne sur la fin de vie, Avril 2023, p53
[5] CCNE Avis 139, p24 & p29